Le temps ordinaire

Le temps ordinaire


Au lendemain de la fête du Baptême du Christ, début janvier, nous avons quitté le Temps de Noël, et nous avons commencé ce temps liturgique appelé « Ordinaire », accompagné cette année par l’évangile de St Luc. Temps ordinaire, et pourtant temps si peu « banal » si nous y réfléchissons bien.

Le temps est en général ce qui nous échappe (je n'ai pas le temps, le temps passe à une vitesse…) ; et pourtant, c'est ce qui nous appartient le plus. Dieu l'a donné aux hommes afin qu’ils s’en servent pour le rencontrer. Et le Temps Ordinaire est alors ce temps où l’on met en pratique ce que l’on a reçu dans les temps forts. Mais hélas, bien souvent, nous rêvons toujours de moments extraordinaires pour découvrir Dieu : une grande retraite, une grande fête... Or Dieu se donne ordinairement, quotidiennement. Il y a plusieurs années, le Pape Jean-Paul II nous invitait à vivre l'extraordinaire de Dieu dans l'ordinaire de notre vie ; à vivre les choses extraordinaires de façon ordinaire, et les choses ordinaires de façon extraordinaire ; à découvrir que l’amour de Dieu est toujours extraordinaire, même si cet amour s’exprime dans un quotidien qui peut paraître bien banal. Parce que, comme toujours avec Dieu, l'extraordinaire de cache, se fait humble et petit, comme nous l’avons vu à la Nativité. Dieu vient nous trouver dans nos occupations normales…

Et puis, nous l'avons tous expérimenté, il est toujours difficile de profiter des temps de fêtes pour bien méditer sur les mystères proposés. Nous sommes captés par mille préoccupations… C'est rarement dans la nuit de Noël que nous adorons vraiment l'Enfant-Dieu ; c’est rarement au jour de Pâques que nous avons le temps de méditer sur la Résurrection. Il nous faut du calme, que, dans sa pédagogie, l'Eglise nous donne par le Temps de Noël ou le Temps Pascal. Mais nous avons aussi le Temps Ordinaire, qui arrive toujours à propos pour mettre en place les grâces reçues, pour qu’elles passent dans l'ordinaire du quotidien. Il nous faudrait saisir et admirer l'extraordinaire du don dans lequel nous vivons depuis notre baptême, sans nous en rendre compte. Noël, Pâques, ces fêtes que nous retrouvons chaque année ne sont que la manifestation temporelle, momentanée de ce miracle permanent de l’intervention de Dieu dans notre existence. Mais en fait, nous sommes toujours immergés dans le miracle du Salut apporté et réalisé par le Christ Jésus.

Il faut du temps, il faut prendre son temps, mais il ne faut pas perdre son temps ! Chaque moment peut être important, pour aussi insignifiant qu'il paraisse. Ce n'est pas demain que nous avons à commencer notre chemin vers Dieu ; c'est aujourd'hui, c'est maintenant. Il est vrai que nous vivons rarement au présent. Et Dieu sait si notre société ne nous y aide pas, elle qui ne sait profiter ni du présent ni de l’ordinaire : elle est toujours à la recherche du « scoop », elle est toujours dans la course vers l’avant. Et ce n’est pas neuf. Pascal disait déjà : « Que chacun examine ses pensées ; il les trouvera toutes occupées au passé et à l'avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens. Le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons vivre ; et nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais ». Dieu, lui, est dans un éternel présent.

Profitons du Temps « Ordinaire », n’en faisons jamais un temps « banal » : il n'y a rien de banal dans notre rapport avec Dieu… Il nous attend à chaque seconde de notre existence !

 

+ Jean-Marie Le Vert
Evêque auxiliaire de Bordeaux